Izanagi essaya d’oublier Izanami. Mais comment le pouvait-il ? Comment l’abandonner ? Les deux dieux ne formaient qu’un depuis leur naissance. Il l’aimait du plus profond de son cœur.
Je veux la revoir.
Izanagi partit pour le pays de Yomi, là où habitent les morts.
Je veux la ramener parmi les vivants.
Il marcha pendant des jours, arrivant enfin à l’entrée de Yomi juste au moment où il commençait à se fatiguer. Alors qu’il pénétrait les ténèbres souterraines, il se trouva devant une structure massive. Une porte, fermée avec force, comme pour interdire quiconque venant de l’extérieur d’y rentrer. Izanagi se prépara à ce qu’il allait affronter, et ouvrit la porte.
Voici le pays de Yomi. Le pays où habitent les morts.
Izanagi regarda aux alentours, et dit, presque en criant.
« Izanami, ma bien-aimée ! »
Elle doit sûrement être ici.
« Nous avons créé un pays ensemble, l’avons fait naître ensemble, mais il n’est pas encore complet ».
Le monde ne sera jamais complet sans toi.
« Alors rentrons ensemble ».
Ce vœu ne sera peut-être jamais exaucé, mais je dois quand même le faire.
Sa voix résonnait dans les pénombres. Elle semblait atteindre les profondeurs de la structure massive.
Izanagi resta immobile et écouta.
Quand il le fit, il put écouter le faible contour de la voix d’Izanami.
« Je ne peux pas le croire. Si seulement tu étais venu me chercher plus tôt. J’ai déjà mangé de la nourriture du pays de Yomi. Je suis devenue une des leurs, une du pays des morts ».
Izanami pleure pendant un moment, puis continua.
« Mais tu es retourné pour moi, mon bien-aimé. Je reviendrais avec toi, si je pouvais. Je parlerai avec Yomotsu, le dieu du pays de Yomi. Il ne faut pas que tu me regardes avant que j’aie fini. »
Izanami parut s’enfoncer plus profondément dans la structure.
Izanagi attendait.
Il attendait, marchant avec agitation en cercles. Il attendait, appuyé contre une porte. Il attendait assis. Mais Izanami ne revenait pas.
Ne pouvant plus attendre, Izanagi prit Yutsutsuma-Gushi, le peigne placé du côté gauche de ses cheveux, et plia une de ses épaisses dents. Même si ce n’était qu’une simple dent arrachée d’un peigne, elle prit feu dans la main d’Izanagi, illuminant tout autour de lui.
Izanagi utilisa cette lumière pour pénétrer plus profondément dans la structure.
En effet, il y retrouva Izanami, son épouse bien-aimée.
Mais les asticots infestaient son corps, jadis magnifique, maintenant terriblement pourri.
De son corps, apparurent en tout huit dieux du tonnerre : de sa tête apparut le grand tonnerre Oh-Ikazuchi, de sa poitrine apparut le tonnerre en flames Hono-Ikazuchi, de son ventre apparut le tonnerre noir Kuro-Ikazuchi, de sa moitié inférieure apparut le tonnerre déchirant Saki-Ikazuchi, de sa main gauche apparut le tonnerre jeune Waka-Ikazuchi, de sa main droite apparut le tonnerre de terre Tsuchi-Ikazuchi, de sa jambe gauche apparut le tonnerre hurlant Nari-Ikazuchi, et de sa jambe droite apparut le tonnerre couché Fushi-Ikazuchi.
Izanagi fut choqué de voir combien elle avait changé.
Non, ce fut quelque chose plus profonde qu’un choc. Il la craignait de tout son cœur.
Dire que la mort pouvait changer quelqu’un à ce point !
Izanagi appris l’horreur de la mort grâce à l’apparence inimaginable d’Izanami, et il s’enfuit d’elle aussi vite qu’il le pouvait.
Izanami, était seule à nouveau, abasourdie à l’idée que son mari ait fui après avoir fait tout le chemin jusqu’au pays de Yomi pour la récupérer.
Non, ce fut quelque chose plus profonde qu’un choc. Elle se mit en colère au fond de son cœur.
Tu avais promis de ne pas me regarder.
« Regarde comment tu m’as humiliée ».
Un acte impardonnable, envers moi, une femme qui n’a déjà plus rien !